C'est comme se faire réveiller par un seau d'eau glacée. Comme mettre la main sur un fer à repasser. Ou les doigts dans la prise. C'est cet effet là.
Sur le moment, ça secoue. ça bouge partout à l'intérieur de nous, mais pas longtemps. On panique. Ou plus exactement, on se sent paniquer. Mais on ne contrôle rien. Tout se passe vite. Il y a l'image, plus le son. Le cerveau est engourdi. Les jambes aussi. Que peut-on dire, faire, croire, faire croire ?
Simuler l'urgence, la fuite, le faux départ. L'alerte, au bout du fil. Je n'ai pas le temps. La vie défile et je la fuis. Pas toi, ni elle. Mais vous, moi. Tout ce qui se chamboule sous mon sein droit. Ou le gauche, peut-être. Je n'ai jamais su. Et puis, je m'en fous. Je pense à Joe Strummer. Pas le mort, le mien. Celui qui pique. Tu sais pourquoi un cactus ? Parce que je n'ai pas trouvé de hérisson. Voilà. Encore quelque chose que je ne dis pas. Pas que toi, là dessous, non. Un autre. Bientôt dix huit ans. Je pense à toi, aussi, quand je vois ce cactée là. Sur mon bureau, oui. Combien savent pourquoi ?
Tout défile, vite. La rue, les passants, les voitures. Mon bus, qui va démarrer. Tu le sais ? Je déteste ce café. Les jours de manifs, une horreur, oui. Souvenirs. Je pense à mon tiroir. Ses livres, ses photos, ses mots. Toi, tu y aurais ajouté quoi ? Ne pas penser à ça.
Dans le bus, je ne suis pas seule. Non. Tant pis, tant mieux. Je voudrai pleurer. Qui comprendrait ? Elle a tout, elle se plaint, les gens penseraient. Pour moi, tout, ce n'est jamais assez. L'évidence se fait. Je suis devenue exactement ce que je redoutais. Je suis la fille casée, il n'a vu que ça. Tout le monde ne voit plus que ça ? L'étiquette me colle à la peau, me gratte, me démange, me gène même jusque dans les os. Je voudrais le hurler. Mais on m'a fait comprendre lundi qu'il y a des limites à ne pas dépasser. Je me tais. Et puis j'écris, là. Dans ce cahier vert qui ne connait que mes mauvais secrets.